Lembach a commémoré ce vendredi 4 octobre les 100 ans de la naissance du poète Henri Mertz, originaire du village et fervent défenseur de l’alsacien, dans l’école primaire qui porte son nom. Son œuvre est marquée par les tourments de l’Alsace, et par l’amour de son dialecte.
« Remarquable, très modeste », mais qui n’avait pas peur « de l’ouvrir » dans le domaine littéraire : la description que fait le maire de Lembach, Charles Schlosser, du poète Henri Mertz, trahit l’admiration qu’il a prêtée à cet ami, avec qui il a entretenu une correspondance suivie pendant plusieurs années. La commune commémorera donc le centenaire de la naissance à Lembach de l’artiste, à l’école qui porte son nom depuis 2016.
Une vie marquée par la Seconde Guerre mondiale
Henri Mertz est né le 4 octobre 1919 à Lembach. Son père était forgeron : la grange dans laquelle il travaillait se dresse encore à deux pas de la mairie. Devant la maison paternelle glougloute une fontaine, qui lui inspirera plusieurs poèmes. Il fréquente l’école primaire de Lembach, le collège de Niederbronn puis le lycée de Phalsbourg : en 1937, Henri Mertz est brillamment reçu à l’école normale des instituteurs de Strasbourg. L’école normale est évacuée à Périgueux en septembre 1939, Henri Mertz est mobilisé l’année suivante. Il passe ses examens à Périgueux, avant de rentrer en Alsace en octobre 1940.
La grange de la maison dans laquelle Henri Mertz est né en 1919 : son père était forgeron dans le village.
La vie d’Henri Mertz restera marquée par les événements de la Seconde Guerre mondiale. En tant qu’instituteur, il se voit d’abord imposer la formation réservée aux instituteurs alsaciens pour faire cours à de jeunes Allemands, qu’il suit à l’île de Reichenau, puis à Fribourg-en-Brisgau, avant d’enseigner dans une école du pays de Bade.
À l’été 1943, Henri Mertz est incorporé de force, mais est déclaré inapte l’année suivante. Il est à nouveau mobilisé, dans l’armée française cette fois, au printemps 1945. « Il a perdu un frère, des amis pendant la guerre, explique Charles Schlosser. Il a été très affecté par ces événements, mais aussi par la perte du dialecte alsacien. Ne l’ayant pas connu dans sa jeunesse, je ne sais pas s’il était sensible dès le départ, mais il a été profondément marqué par l’histoire et le destin de l’Alsace. »
Henri Mertz revient régulièrement dans les Vosges du Nord
Après la guerre, il enseigne encore pendant cinq ans à Langensoultzbach, avant d’être muté à Graffenstaden où il devient directeur d’école. En 1961, il est promu professeur d’enseignement général de mathématiques.
« Il venait souvent voir sa mère qui habitait encore à Lembach, se rappelle le maire Charles Schlosser. Il aimait revenir dans les Vosges du Nord qu’il n’a jamais oubliées. » Il y a d’ailleurs fait la connaissance de Paul Bertololy, médecin et écrivain lui aussi venu de Lembach. « Je pense que c’est un peu son modèle qui l’a aidé à prendre la plume au début », estime Charles Schlosser.
Henri Mertz décède le 24 février 1999.
Henri Mertz lors d’une lecture à Lembach, à la fin des années 1980
Une poésie satirique en alsacien qui n’épargne personne
En tout, le poète aura publié quatre recueils de poèmes en alsacien et en allemand littéraire, qui lui vaudront le Bretzel d’or de la littérature alsacienne en 1979, « une reconnaissance assez rapide de son talent puisque son premier recueil est sorti en 1975, note Charles Schlosser. Il contribuait ponctuellement à la revue locale d’histoire et de culture, Le Chêne , c’est comme cela que je l’ai connu », se souvient Charles Schlosser. Il participera d’ailleurs à l’édition de poèmes en allemands inédits d’Henri Mertz après sa mort, dans le recueil Spaetlese (« Vendanges tardives »).
« Sa poésie est caractérisée par son rythme et sa vitalité – d’ailleurs, elle a été mise en musique par de nombreux artistes alsaciens comme René Egles, François Brumbt ou encore Isabelle Grusselmeyer. Mais elle peut être très lyrique, comme son poème sur sa mère ou celui sur la fontaine devant la maison de son père, mais elle est surtout satirique », présente Charles Schlosser.
Parmi les thèmes fétiches de l’artiste, le maire compte « le monde moderne, le béton qui remplace la nature. Il a vécu à l’époque de la construction des centrales nucléaires, Fessenheim fonctionnait déjà, Wihl et Fegersheim étaient en projet… Il n’était pas sur le terrain mais soutenait le mouvement de contestation. »
Il avait aussi « le souci de l’avenir du dialecte », dont il usait avec facétie dans ses poèmes, associant les mots et se riant de ceux parlant un alsacien pétri de vocables français. « Il avait le sentiment que l’Alsace et l’alsacien n’avaient pas été gâtés pendant la Seconde Guerre mondiale : la guerre, l’incorporation de force, la langue maltraitée et les politiques qui ne faisaient rien pour enrayer cela, l’ont beaucoup fait souffrir, cela transparaît dans beaucoup de ses poèmes. »
Texte et photos : DNA /Léa SCHNEIDER