Au travers de ses éléments fondamentaux (pierre, eau, bois) la nature n’a cessé au fil des siècles de marquer de son empreinte le village de Lembach.
L’occupation du site n’est pas récente comme en témoigne un certain nombre de vestiges trouvés sur place. Cela va du mésolithique (vers 4000 avant J.C.) avec des outils et des armatures, au gallo-romain. La découverte de monnaies et de statues, les traces d’un ancien temple, de tumuli, l’oppidum près du Schuhfels, de même que le refugium du Riegelsberg sont autant de preuves d’une implantation gallo-romaine au lieu-dit Griesberg, selon toute vraisemblance le premier site habité de Lembach. Dans le cartulaire (recueil de chartes) de l’abbaye de Wissembourg (VIIIe siècle) la localité de « Lonenbach » est citée près d’une trentaine de fois. Ces documents attestent l’existence, dès cette époque, d’un nombre important de propriétaires terriens libres à et autour de Lembach.
La position administrative de Lembach n’est cependant pas très simple car la région se situe aux confins de deux duchés, le Spirois et l’Alsace. La plus ancienne charte concernant Lembach donne cette localité aux Spirois, les suivantes la situent en Alsace. Tout laisse à penser que la frontière entre les deux territoires passait par Lembach et qu’elle était tout simplement matérialisée par la Sauer.
D’ailleurs cette hypothèse se confirme à la lecture d’une autre série de documents essentiels pour la compréhension de l’histoire locale ; à savoir les lettres d’inféodation des XIVe et XVe siècles : la Sauer constitue régulièrement la limite entre un fief (domaine concédé par un Seigneur à un vassal) et un alleu (terre ou propriété libre de toute obligation). A travers les siècles le fief est constitué par la rive droite de la Sauer (le Flecken) alors que l’alleu est la rive gauche (le Dorf ou village).
Vers le début du XIIIe siècle c’est la famille des Ettendorf qui « gère » Lembach. Les Fleckenstein s’intéressent cependant de près au site. En 1327 ils deviennent les vassaux des Ettendorf et sont donc investis de la rive droite de la Sauer, avec l’église et le moulin. A l’extinction des Ettendorf, le Flecken passe aux mains de l’évêque de Strasbourg, l’alleu revenant aux Fleckenstein. Ceux-ci ont désormais la main-mise sur Lembach, une situation qui ne changera qu’avec l’avènement de la Révolution. La vie économique et religieuse du village sera donc dictée par cette grande seigneurie du Nord de l’Alsace.
Moulins à farine, à huile, à papier, verreries, tréfilerie fonctionneront pour et grâce aux Seigneurs, lesquels ne manqueront pas de rappeler à leurs administrés qu’ils sont redevables de certains droits. Lorsqu’en 1543 Jakob von Fleckenstein emboîte le pas de Luther, le village n’a d’autre solution que de suivre. Ce n’est cependant qu’en 1603 qu’il est élevé au rang de paroisse. L’église du Flecken n’est à ce moment-là qu’une grande chapelle. L’effroyable guerre de Trente Ans, puis la guerre de Hollande freineront considérablement l’élan du village. Vers 1675 le vieux quartier du Flecken est la proie des flammes. Sensiblement à la même époque le Fleckenstein est détruit. Moulin à papier, verreries ferment leurs portes.
Du sang neuf viendra cependant à Lembach au début du siècle suivant, avec l’arrivée de sept familles catholiques, condition sine qua non pour rouvrir l’église du Flecken au culte catholique. 1716 : c’est le début du simultaneum qui durera jusqu’en 1907.
Les temps se calment, Lembach panse ses plaies, se développe économiquement et humainement, s’étend, surtout du côté du Heimbach. Il est vrai que les communications s’intensifient essentiellement vers l’axe Est – Ouest, Wissembourg-Bitche qui devient une voie royale. 1754 : l’Auberge du Cheval Blanc devient un relais postal. 1755 : la nef de l’église protestante est construite. De nombreuses maisons seront édifiées entre 1710 et 1790.
Conscients de cet essor les Vitztum, successeurs des Fleckenstein pour le village en profitent pour procéder au renouvellement du ban, des taxes et impôts auxquels sont assujettis les habitants du « Dorf ». Mais les citoyens de Lembach contesteront à l’unanimité ces droits.
Au lendemain et pendant la Révolution de grandes demeures sortiront de terre : la maison Dielmann, l’Auberge de l’Agneau, les nouveaux bâtiments de l’Auberge du Cheval Blanc. Une ère nouvelle s’annonce.
En 1836 la population atteint le chiffre record de 2125 habitants (hameaux et fermes isolés, qui sont nombreux à cette époque, compris). Lembach a sa perception, son marché, ses commerces, ses artisans. Lembach construit une nouvelle école, puis une nouvelle mairie. L’exploitation des mines dans les environs du village n’est pas étrangère à cet essor (mines de fer, de plomb et d’argent). Vers 1825 les seules mines de Fleckenstein, Thalenberg et Katzenthal employaient près de 100 ouvriers. Ces mines fermeront leurs portes l’une après l’autre, la dernière en 1844.
La deuxième moitié du siècle sera marquée par la pauvreté. Dans l’ensemble les terres ne sont en effet guère fertiles alors qu’on compte quelques 1000 bovins. Les échanges avec l’extérieur ne sont pas fréquents malgré la construction de la route reliant Woerth à Lembach en 1867. L’émigration va alors battre son plein, de nombreux « Lembacher » quitteront le village pour la lointaine Amérique, parmi eux les grands-parents du futur astronaute, Russel Schweickart.
En 1899 est ouverte la ligne de chemin de fer reliant Lembach à Walbourg et à la ligne Wissembourg-Strasbourg. Ce petit train fut une véritable révolution pour la population locale. Il ouvrait la vallée, ses collines boisées, ses châteaux à un tourisme naissant.
Les années 30 engendreront une nouvelle prospérité avec la construction des ouvrages de la Ligne Maginot qui altérera sensiblement le paysage de Lembach (casemates, barrière anti-char). Les marques de cette imposante fortification de la Ligne Maginot restent visibles sur tout le flanc sud-Est et sud-Ouest du village. Si l’Armée continue à occuper le site Est, les terrains du Petit Ouvrage sont aujourd’hui propriété privée alors que l’ouvrage du Four à Chaux a été ouvert au tourisme il y a quelques années.
Mais bien plus que le bâti c’est la nature verdoyante, de prés, vergers et forêts qui marque le paysage de la Cité des Barons de Fleckenstein.
(texte reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur, Charles Schlosser)