Notre commune est jumelée avec la commune de Droux dans le Limousin depuis 2009, mais le jumelage n’a fait qu’officialiser des relations existantes. Cette relation est une relation d’amitié basée sur un fait d’histoire. Les Lembachois ont été évacués durant la dernière guerre et accueillis par les habitants de Droux.
Un échange a lieu tous les deux ans et en 2013 c’était au tour de Lembach de faire le déplacement. Le gros de la troupe qui est parti était composé des charbonniers. Quelques uns ont quitté Lembach dès le jeudi afin de monter et d’allumer une meule. Les charbonniers du Fleckenstein de Droux, eh oui, il y en a deux, Jean Claude et Michel avaient préparé le bois et lorsque le bus est arrivé dimanche soir vers 18 h, la meule fumait déjà.
Tous les participants ont été accueillis dans les familles. Il serait d’ailleurs important que dans deux ans, des familles jeunes puissent accueillir afin que cette amitié continue à vivre.
Le programme proposé et réalisé était aussi intéressant que varié.
- Dimanche 5 mai, départ à 5h et arrivée à Droux à 18h
- Visite de la ferme de Villefavard
- Visite du monastère Bouddhique de Rancon
- Promenade sur le lac de Vassivière
- Visite d’une fabrique de porcelaine
Que d’échanges, que de sympathie, que de joie, que de découvertes ! un séjour riche à tous les points de vue.
Le 8 mai, la cérémonie de l’armistice, a été célébrée à Droux, par Francis Bottemer et Charles Schlosser, maires de Droux et de Lembach. Quel symbole ! Vous pourrez lire les deux discours et comprendrez pourquoi, en terre limousine, tous les participants ont vécu un moment extraordinaire de profondeur, de solidarité, d’amitié.
|
Les reportages de France 3 Limousin à propos de ce voyage : C’est l’histoire d’un jumelage… publié le 5 mai 2013 Émouvant 8 mai à Droux publié le 8 mai 2013
|
Malgré les averses, les festivités du 8 mai ont réjoui tous les participants. Les charbonniers ont eu beaucoup de succès lors de l’ouverture de la meule et la Banda a assuré l’animation musicale. Le soir, le repas pris dans la salle des fêtes, fut très copieux et la Banda, a mis l’ambiance. Que de souvenirs aussi avec la Banda qui était à Lembach, il y a quelques années !
En espérant que cette amitié, fondée sur un pan d’histoire commune mais bien triste puisse rayonner et perdurer, l’histoire de nos arrières grands-parents, grands-parents n’est-elle pas la nôtre ?
Aujourd’hui nous nous retrouvons, la délégation alsacienne et vous chers amis Drougnots qui nous hébergez fraternellement côte à côte un peu comme une grande famille pour commémorer ensemble la délivrance du 8 mai 1945 et la fin de l’oppression national socialiste et nous souvenir avec une émotion partagée et un même recueillement des morts de nos communes.
En ce moment solennel nous voyons défiler devant nos yeux une série d’images marquantes des années sombres de 1939 à 1945. En voici quelques unes
– l’arrivée à Droux un jour de septembre 1939 de presque un millier d’habitants de Lembach déboussolés, déracinés, désespérés au bout d’un voyage de trois semaines et en face d’eux des dizaines d’habitants de votre commune démoralisés, déconcertés, démunis.
– le désarroi des familles alsaciennes et mosellanes, le 25 août 1942 à l’annonce de l’incorporation de force qui obligeait tous les hommes nés entre 1908 et 1926 à porter l’uniforme allemand et défendre un idéal barbare
– la terreur du village d’Oradour face au massacre indescriptible de 642 enfants, femmes et hommes, victimes de la barbarie indicible et indescriptible de la Compagnie Das Reich, après celles de Tulle et avant celles de Maillé
– le sacrifice des nombreux résistants limousins particulièrement ceux du Petit Confolens engagés dans une lutte sans merci contre l’ennemi
Trois quarts de siècle plus tard ces images sont certes ternies par le temps qui passe. Et pourtant elles gardent à nos yeux une ineffaçable valeur de témoignage : un témoignage qui nous engage au devoir de mémoire.
Le geste voulu par nos deux communes jumelées de fêter ensemble ce 8 mai a valeur de symbole. Nous sommes pleinement dans l’esprit de notre charte signée le 23 mai 2009 ici même. Mais au-delà de nos deux communautés et de leurs familles éprouvées, nous représentons en ce lieu et à cette heure nos deux départements, nos deux régions. Nous incorporons l’expression de nos deux cultures, de nos deux histoires, de nos deux identités meurtries il y a plus de 70 ans par un même démon.
Forts de notre amitié fraternelle nous appelons celles et ceux, limousins et alsaciens pour qui le temps n’est pas encore tout à fait venu de partager la conviction qui est la nôtre aujourd’hui et d’exprimer le pardon plein et entier pour les incompréhensions mutuelles de toutes ces années d’emboîter nos pas.
Nous les descendants de ceux qui ont vécu l’horreur commune nous sommes conscients du devoir qui nous incombe de nous souvenir de nos morts, de tous nos morts. Nous pensons avec reconnaissance aux soldats de la France décédés pour défendre notre république et notre patrie. Nous nous souvenons de ceux que le régime totalitaire a obligé de porter un uniforme qui ne représentait pas leurs valeurs. Nous nous souvenons des hommes et des femmes qui ont eu le courage, chez vous et chez nous, de combattre le mal nazi et de s’y opposer au prix de leur vie. Mais nous sommes aussi là non pour juger mais nous affranchir de toute haine à l’égard de celles et ceux que la propagande et le mensonge a rendu sourds et aveugles. Quant aux bourreaux l’histoire, à défaut parfois de la justice, les a jugés.
Mesdames Messieurs, sur nos calendriers nous continuons à lire « Victoire 1945 ». Cette victoire, ce n’est pas tant la victoire d’un peuple sur un autre, d’une nation sur une autre c’est bien plus que cela, c’est la victoire de la paix sur la guerre, de l’humanité sur la bestialité, de la confiance sur la suspicion.
Chers Amis Limousins, l’Europe que nous fêterons demain peut vous sembler parfois un peu loin. Pour nous région frontalière et de passage elle est un plus proche et vécue presqu’au quotidien. Je suis intimement convaincu que l’idéal européen vous le partagez pleinement avec nous. C’est le sacrifice de ceux que nous honorons aujourd’hui qui a permis la construction de cette Europe certes encore bien instable et qui ne pourra grandir que sur la base de l’amitié et la coopération franco-allemande. Prenons garde de ne pas fragiliser ce socle. Avons –nous Français le droit de donner des leçons à un pays qui en vingt ans a réussi sa réunification tout en gardant la tête haute économiquement ? A nous donc Allemands et Français en tête de consolider cette Europe, de la renforcer, de lui donner un sens et une âme. A nous de faire en sorte que d’autres comme nous abjurent égoïsmes et nationalismes qui ont conduit il y a trois quarts de siècle nos régions, notre pays, notre continent au désastre. C’est vrai que la paix a un prix immense, c’est vrai que la guerre aujourd’hui’ hui est économique et sociale. Mais la guerre des peuples nous est épargnée.
Femmes et Hommes des bords de la Semme et de la Gartempe, de la Sauer et du Heimbach, transmettons à notre jeunesse et aux générations futures cette chaleur qui caractérise nos relations, laissons fructifier encore plus notre amitié. Vive notre jumelage entre Droux et Lembach ! Vive la paix ! Vive la France et Vive l’Europe !
Charles SCHLOSSER
Je salue le courage de mon ami, de notre ami, Charles Schlosser pour la façon dont il a évoqué les années noires de cette 2ème guerre mondiale et l’armistice du 8 mai 1945. S’il est un évènement qui a marqué les esprits, les mémoires, c’est bien celui-ci tant l’oppression fut cruelle, tant les tensions furent grandes, tant les haines furent exacerbées et vivaces. Et nos deux régions en furent, de cette oppression, de ces tensions, de ces haines, les théâtres emblématiques avec les évènements hors de toute mesure que furent l’évacuation, l’annexion de fait, les malgré-nous, Oradour sur Glane, la Résistance.Longtemps dressées l’une contre l’autre, nos deux provinces ont su, sans se renier, et grâce à l’engagement sans faille de quelques-uns – dont tu fais partie, Charles – se retrouver et sceller, à l’image de nos deux communes, un pacte d’amitié, au moins tacite… Enfin l’on a cessé d’instrumentaliser le passé, on a pacifié le présent, on a donné à l’avenir un fondement stable.Car le 8 mai, Mesdames et Messieurs, gardons-nous de le considérer comme une fin, un aboutissement, figeant la mémoire en un éternel affrontement de vainqueurs et de vaincus (tu dis cela un peu autrement, Charles), un affrontement qui nous condamnerait à répéter à l’infini des formules psalmodiées, incantatoires, devenant d’autant plus creuses au fil des ans qu’on ne retiendrait que l’outrance des faits en oubliant leurs causes, en occultant les relations qu’ils entretiennent entre eux ou avec d’autres évènements plus ou moins sciemment laissés de côté. L’Histoire est bien plus qu’une lutte de bons et de méchants.
- Tout d’abord, après le 8 mai 1945 se sont poursuivis dans une bonne partie de l’Europe, des massacres, des pogroms même, de terribles épurations ethniques – pudiquement appelés déplacement de population – et ce jusque dans les années ’50. Lisez à ce sujet un livre qui vient de paraître « l’Europe Barbare » d’un jeune historien anglais, et qui retrace cet après-guerre sanglant dont il faudrait garder aussi le souvenir tant l’histoire n’est pas – ou ne devrait pas – être sécable, taillable et malléable à merci.
- Et puis ce 8 mai portait (on l’ignorait encore) aussi la promesse d’un nouvel élan de quelques hommes de bonne volonté qui par-dessus les frontières se sont tendus la main pour éviter à l’Europe un nouveau Traité de Versailles (dont on sait maintenant le rôle qu’ont joué certaines clauses désastreuses dans l’arrivée – entre autres – de Hitler au pouvoir…) et pour créer des ententes, des alliances, au moins de raison, propres à rendre impossible les agressions passées… Je pense à l’engagement européen de De Gaulle, Adenauer, Schuman, De Gasperi…
Tu as relevé, Charles, le sens très relatif de ce mot de « Victoire », et, les grands esprits se rencontrant, tu rejoins dans la suite de ton discours notre ministre délégué aux anciens combattants, M. Kader Arif, qui, après avoir exalté le sacrifice des Résistants, souligne l’importance du traité franco-allemand de Élysée de 1963 : un des ( je cite) ciments de la paix en Europe.
Je ne puis que vous emboîter le pas, à toi le maire et à lui le ministre, dans ces assertions, je ne puis qu’affirmer avec toute notre génération (et ce n’est pas un de ses moindres mérites) que notre avenir ne peut se trouver que dans l’Europe : Elle est certes imparfaite, cette Europe, et certains en prennent prétexte pour la damner. Mais ils ont la mémoire sélective ces gens-là, qui ignorent – je n’ose penser que c’est à dessein, pour ne pas desservir leur cause – les convulsions, les troubles, les guerres, les affrontements, les massacres qui ont précédé la formation de notre Nation Française… Le consensus péniblement atteint a demandé combien de siècles et de larmes?
Nous mesurons, à l’aune de ces processus douloureux, combien en fait nous sommes proches les uns des autres, nous autres peuples européens; combien sont minimes nos différences, combien sont nombreuses les choses qui nous rapprochent ; et combien nous pourrions nous enrichir de ces différences au lieu de les ériger en obstacles; combien, à l’image de nos deux provinces, de nos deux villages, nous nous complétons, l’un apportant à l’autre ce qu’il n’a pas.
Évidemment, cela demande quelques efforts, comme cela en a exigé de nos pères et de nos grands pères lorsque les Lembacher sont arrivés à Droux ; mais voyez le résultat aujourd’hui, chers amis !!
Prenons de la hauteur, du recul, cela est nécessaire pour connaître et reconnaître l’Autre. Plutôt l’Europe de la Pensée et des Lumières que celle des Frontières et des Guerres.
Et faisons nôtre, pour conclure, ce mot d’un Alsacien, Martin Graff, à la fois homme de pensée et de théâtre, bilingue, passeur de frontières, grand pourfendeur de ces clichés qui, selon ses termes « pourrissent la vie des peuples ». Il clame bien haut : « Accroche tes racines au ciel pour mieux voir la terre ».
Vive notre jumelage entre Droux et Lembach ! Vive la paix ! Vive la France et Vive l’Europe !
Francis Bottemer